Journaliste musical et essayiste, Romain Lejeune a fondé en 2014 Les Éditions Braquage, une maison d’édition indépendante dont le catalogue illustre excellemment son attrait pour la littérature et la musique. Entretien avec Romain Lejeune.
Pour débuter, je vous demande une biographie. Quel est votre parcours ?
Romain Lejeune : Je m’appelle Romain Lejeune et je suis le fondateur des Éditions Braquage. J’ai rédigé plusieurs livres dont la biographie de Damien SAEZ, intitulé Damien SAEZ à corps et à cris. Plus récemment, j’ai écrit Lettre à Nico, une ode solitaire au leader d’Indochine. J’ai également travaillé pour de nombreux médias, généralistes et spécialisés, dont Les Inrockuptibles. Je suis à la fois éditeur, auteur et journaliste.
Damien Saez et Nicolas Sirkis sont deux figures novatrices de la scène musicale française. Qu’est-ce que vous aimez chez ces deux artistes ?
Romain Lejeune : Damien Saez, c’est son premier album. Un chef d’œuvre qui a percuté toute une génération. C’est rare de réussir à faire adhérer autant de monde à un propos, dans un moment précis, si précis que les personnes vous suivent ensuite jusqu’au bout. Pour Nico, c’est sa poésie, très directe, qui touche au cœur, sans chichi. Sa voix, reconnaissable parmi toutes. Ses engagements, toujours discrets mais indispensables. Sa discrétion également, sa manière d’être nulle part et partout à la fois.
Journaliste musical, vous avez fondé en 2014 Les Éditions Braquage, une maison d’édition indépendante au catalogue constitué d’ouvrages documentaires et de littératures. Pourquoi ?
Romain Lejeune : J’avais la sensation en 2014 qu’il était possible de tout mener de front : l’écriture, l’édition, la commercialisation du livre qui me tenait alors à cœur (la biographie de Damien SAEZ). Constatant dans le même temps que, dans l’industrie du disque, beaucoup d’artistes créaient leur propre label pour exister, j’ai eu envie de faire la même chose avec le livre.
De quelle manière vos débuts se sont-ils déroulés ? Ont-ils été parsemés de difficultés ou avez-vous immédiatement bénéficié de quelques soutiens ?
Romain Lejeune : Tout a été compliqué et je n’ai bénéficié, en dehors de celui très précieux de ma famille, d’aucun soutien. Qu’ils s’agissent des démarches administratives ou des espoirs qui deviennent vite des désespoirs, il faut s’accrocher !


Comment se passe la sélection des livres édités par Les Éditions Braquage ?
Romain Lejeune : Je fonctionne au coup de cœur. Il n’y a pas de règles. Si ce que je lis me plaît et que la personne correspond aux valeurs qui sont les miennes, alors ça peut marcher.
Combien de livres éditez-vous par an ?
Romain Lejeune : Deux, trois et parfois quatre (rarement).
En tant qu’éditeur indépendant, quelles stratégies déployez-vous pour promouvoir les œuvres éditées au sein des Éditions Braquage ?
Romain Lejeune : La stratégie du bulldozer en trottinette : je fonce sans regarder et casse des murs, passe par des fenêtres. Parfois ça pique un peu, mais c’est aussi comme ça que les bonnes choses sont arrivées.
Les lectorat français et francophone sont-ils curieux des livres édités par Les Éditions Braquage ?
Romain Lejeune : Il y a des lecteurs qui aiment ce que je fais, ce que nous proposons avec les auteurs que je défends. Difficile de dire s’il y a un « lectorat » mais en tout cas les milliers de livres vendus jusqu’ici l’ont toujours été à des personnes qui avaient envie de lire nos livres, qui sont allées les chercher en librairie, avec ce but précis. Ce ne sont jamais des achats par défaut, des commandes au raccroc.
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Collaborez-vous avec les nouvelles figures de la prescription littéraire (blogueurs, influenceurs sur les réseaux sociaux) ?
Romain Lejeune : Cela peut arriver. Nous répondons à toutes les demandes. Ce travail est indispensable pour faire connaître la maison.
Depuis l’avènement des intelligences artificielles, une grande partie du monde de la culture s’inquiète de la disparition progressive de leurs métiers ou de l’amoindrissement des collaborations avec les éditeurs. Une réaction ?
Romain Lejeune : Une intelligence artificielle peut récréer une histoire dans le même style qu’un auteur existant. Pas rendre compte d’un vécu, ni d’expériences qui ont réellement existé et qui font selon moi la plus-value de la vie, l’intérêt d’un récit.
À quels autres défis êtes-vous actuellement confronté dans le monde du livre ?
Romain Lejeune : Se faire connaître du plus grand nombre. Pour une maison d’édition comme les éditions braquage, la difficulté est de tenir la barre sans faire faillite, sans disparaître. Mais cela impose aussi de trouver de nouvelles idées, d’être toujours original.


Quels sont les textes, auteurs et autrices que vous aimez ? Ont-ils joué quelque rôle dans votre construction personnelle ou intellectuelle ?
Romain Lejeune : William Finnegan, J. D. Salinger, Akira Toryama et plus récemment Kaiu Shirai. Ces auteurs, artistes, vous tiennent en haleine, font basculer la vie du bon côté, mettent des couleurs dans les ciels gris.
Quelles œuvres littéraires conseillerez-vous à celles et ceux qui ont envie de découvrir la littérature ?
Romain Lejeune : Difficile de conseiller des œuvres en particulier. Le mieux selon moi est de s’orienter vers des thèmes qui nous intéressent, des passions qui nous animent. Il y a des livres très littéraires et géniaux qui parlent de jeux vidéo, comme Demain, demain et demain, de Gabrielle Zevin. Et des livres fabuleux qui parlent d’escalade, comme Avec Mollie, de William Finnegan. Il faut fouiner, allez vers les sujets qu’on aime, et ne pas croire que littérature rime forcément avec un livre de 600 pages écrits en minuscules. Je citerai aussi Les Blessures Vagabondes, de Delphine Schwartzbrod, que j’ai publié. Ce livre est une belle entrée dans le monde du livre, dans ses questionnements, ses réponses, ses ateliers… avec une plume douce et délicieuse.
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En tant qu’éditeur et auteur de langue française, quelles relations entretenez-vous avec les langues ?
Romain Lejeune : J’aime trouver les mots justes quand je m’exprime, ce qui n’est pas toujours facile !
Avez-vous d’autres projets en perspective pour Les Éditions Braquage ?
Romain Lejeune : J’ai toujours des projets en cours. J’espère publier deux, voire trois livres en 2025.
Comment qualifierez-vous votre travail ?
Romain Lejeune : Curieux, sérieux et optimiste.
Quelques conseils à celles et ceux qui ont envie de se lancer dans l’édition indépendante ?
Romain Lejeune : Ne pas se lancer sans assurer ses arrières, surtout financièrement ! On n’est jamais à l’abri d’un succès, mais en l’attendant…