« Le phare » de Valentin Maréchal, récit d’une construction amoureuse et sexuelle

Valentin Maréchal © DR

Récit d’une construction amoureuse et sexuelle dans la France contemporaine, Le phare est un émouvant ouvrage dans lequel le bédéiste Valentin Maréchal met également en exergue les injonctions multifactorielles qui pèsent sur les jeunes hommes dans la société : un phénomène attristant qui peut abondamment nuire à l’acceptation de quelque sexualité non-hétérosexuelle… Entretien avec Valentin Maréchal.

Qu’est-ce qui vous a décidé à vous lancer dans l’écriture et l’illustration de bandes dessinées ?

Valentin Maréchal : J’ai toujours aimé me raconter des histoires. Mon imaginaire fait partie intégrante de ma vie, de ma construction. Et puis, j’ai toujours adoré dessiner, mettre en scène. Pour moi, la BD était le format parfait pour m’exprimer.

Vous avez dernièrement publié aux éditions Jungle, Le phare, une magnifique bande dessinée qui retrace la construction amoureuse et sexuelle d’un jeune homme. Quelle est la genèse de ce livre ?

Valentin Maréchal : J’ai imaginé le concept du Phare il y a 7 ans de cela. Je réalisais des planches pour le concours Jeunes Talents d’Angoulême. Celui-ci relatait une après-midi entre deux garçons adolescents. L’un d’eux avouait à l’autre son homosexualité qu’il tenait en secret, l’autre lui promettait de ne rien dire à personne. Le Phare est la continuité de cette petite histoire, comme une ellipse.

Le phare met aussi en exergue les injonctions multifactorielles qui pèsent sur les hommes dans la société : construction impérieuse d’un capital économique, virilité exacerbée, retenue dans la monstration des émotions… Quelle en est la raison ?

Valentin Maréchal : Je pense que notre société est dictée par le patriarcat, par les rapports de forces. Je voulais mettre en évidence cette pression qui agit également sur notre libre arbitre, qui nous contraint parfois à nous auto-censurer. J’ai traité le sujet du point de vue d’un jeune homme gay qui s’efforce à rester dans l’hétéronormativité, qui se cache de ce regard brutal.

Comment avez-vous construit ce récit ? Y a-t-il eu de la documentation avant d’entamer l’écriture et l’illustration du livre ?

Valentin Maréchal : Je me suis basé sur mon parcours, mon vécu, j’ai écrit avec ce que j’avais en moi, mes lectures aussi éclectiques soient-elles comme Errance de Raymond Depardon, King Kong Théorie de Virginie Despentes, Le Seigneur des Anneaux de JRR Tolkien, Les Pizzlys de Jérémie Moreau.

Quelles sont les techniques de dessin et de mise en couleur utilisées durant la réalisation de ce livre ?

Valentin Maréchal : J’ai travaillé entièrement en numérique pour réaliser ce projet.

Outre Le phare, votre bibliographie est composée de Ce garçon, une bande dessinée réalisée en collaboration avec le scénariste Maby. Comment avez-vous travaillé ensemble pour réaliser ce livre ?

Valentin Maréchal : C’était, pour nous deux, notre première BD. Nous avons travaillé de manière assez organique. J’étais assez libre dans le découpage du scénario et Maby me faisait des retours quant à ma mise en scène. Ces allers-retours ont donné naissance à ce beau premier projet.

Quelles sont vos autres influences ?

Valentin Maréchal : J’ai cité plus haut quelques-unes de mes références. En ce qui concerne la BD, c’est Le Combat Ordinaire de Manu Larcenet qui m’a donné envie faire ce métier. La manière dont il dépeint le quotidien m’a ébloui. J’ai aussi appris en lisant l’œuvre du grand auteur Gipi et de Pedrosa, auteur d’Équinoxes et de Portugal. J’ai grandi avec l’univers de Miyazaki et la place que prennent les paysages comme s’ils étaient des personnages essentiels à l’histoire.

Comment travaillez-vous la langue avec laquelle vous écrivez ?

Valentin Maréchal : Je pense qu’on entre dans une époque qui s’annonce difficile où la langue est un outil d’aliénation. Les progressistes sont des « wokistes », ceux qui clament leurs racines des « communautaristes », les militants « des anti-républicains ». Les personnes sont enfermées dans des termes génériques, dans des polémiques absolues sans nuances. Je pense que justement, l’écriture et le discours doivent permettre d’élargir le champ des possibles. Ils sont un moyen de nourrir le feu le temps que l’hiver passe.

Avez-vous d’autres projets en cours ?

Valentin Maréchal : Oui je suis sur un autre projet qui traite d’un sujet complexe de notre société, mais je préfère en garder le secret pour l’instant.

Quelle est votre définition personnelle de la bande dessinée ? Que peut-elle dans notre société ?

Valentin Maréchal : Pour moi, c’est la quête de l’équilibre entre l’écriture, le dessin et la couleur.
Le dessin permet de représenter le réel avec une grande liberté. Il est moins frontal qu’une image et laisse la distance nécessaire au lecteur pour ressentir, comprendre.

Quels conseils donneriez-vous à celles et ceux qui ont envie de se lancer en bandes dessinées ?

Valentin Maréchal : Dessinez, dessinez, dessinez.