Il est de ces livres dont la parution nous rappelle avec force la dimension mémorielle de l’art dans nos sociétés. Indéniablement, René.e aux bois dormants est de ceux-ci. Conçu à la manière d’un conte, le livre d’Elene Usdin retrace rigoureusement le drame qu’a été l’enlèvement de milliers d’enfants autochtones durant les années soixante et soixante-dix au Canada. Une facette méconnue de l’histoire du pays Nord-Américain qu’elle présentifie dans un ouvrage graphiquement envoûtant, en raison de l’hommage rendu à la culture amérindienne et aux ténors de la peinture occidentale. Entretien avec une artiste humaniste.
Qu’est-ce qui vous a décidé à vous lancer dans l’écriture et l’illustration de bandes dessinées ?
Elene Usdin : C’est l’envie de raconter des histoires, notamment similaires à celles que je raconte dans René.e aux bois dormants. Dès le début des années 2000, je voulais raconter un conte écologique. J’avais construit les personnages de ce livre dès cette époque, notamment le vieil homme, qui par l’intermédiaire d’un coma, part à la quête de ses racines qu’il avait oubliées complètement. À un moment, j’ai mis le projet de côté parce que je n’arrivais pas à trouver la bonne articulation pour construire le récit. C’est en 2017 que j’ai décidé de me remettre dessus après un retour au dessin et à la peinture, deux pratiques artistiques que j’avais délaissés pendant plusieurs années au profit de la photographie. Ce que je trouve génial dans ce médium, c’est le fait de pouvoir aller où on le souhaite, que ce soit dans la narration ou dans les choix graphiques…
Le sujet que j’aborde (l’adoption forcée des enfants autochtones) s’est imposé après un voyage au Canada en deux mille dix-sept. Lorsque j’ai appris cette histoire d’adoption forcée d’enfants autochtones arrachés à leurs parents pour être placées dans les pensionnants tout au long des années soixante, ça m’avait complètement bouleversé. Je me suis interrogée sur les raisons pour lesquelles cette histoire était méconnue. Ne parvenant pas à trouver de réponses tout à fait justes, j’ai trouvé intéressant d’en parler.
Qu’avez-vous effectué après la découverte du sujet ? Est-ce de la documentation ?
Elene Usdin : J’ai d’abord construit la narration en faisant tout au long du récit des paliers. Ensuite, j’ai introduit dans l’histoire des rêves que j’avais faits et qui m’avaient beaucoup marqué pour faire évoluer la narration et montrer les différentes évolutions de René.e, qui se métamorphose à l’issue de chaque rêve. L’histoire en elle-même commençait à ressembler par sa forme à un conte. Ensuite, je suis allée voir du côté des légendes amérindiennes. J’ai été très surprise de voir que plusieurs des rêves que j’avais commencé à intégrer dans le récit ressemblaient à certaines légendes amérindiennes, notamment celui du lapin qui a un rôle assez particulier dans certaines tribus. Mais mise à part la légende des wendigos, les autres légendes présentes dans le conte ont toutes été inventées, et réécrites comme si elles avaient réellement existé. Ensuite, je me suis documenté sur ce qu’étaient devenus ces enfants adoptés dans des familles blanches. Dans la plupart des cas, on ne leur disait rien sur leur provenance, leurs identités. Ils voyaient bien qu’ils ne ressemblaient ni à leurs familles, ni aux gens qu’ils y avaient dans les écoles, mais ne comprenaient pas pourquoi. En grandissant, certains ont développé des problèmes psychologiques, d’alcoolismes… C’est super triste. J’ai aussi lu plein de témoignages de mères qui déposaient leurs enfants à l’hôpital et ne les retrouvaient pas à leur retour. On leur faisait signer des papiers qu’elles ne comprenaient pas puisqu’elles ne parlaient ni l’anglais, ni le français. J’ai lu ces témoignages sur Internet, par le biais d’associations et d’organes de presse.
Pourquoi avoir choisi d’agencer ce récit sous forme de conte et non sous forme de récit documentaire ou historique ?
Elene Usdin : Ce qui m’intéresse dans mon travail photographique ou littéraire, c’est le symbolisme, le surréalisme. Tous les courants qui font qu’on peut raconter une histoire non pas de façon frontale ou documentaire, mais par le biais de l’intuition, du rêve, de la symbolique. Le conte et la fable se prêtent plus à ces façons de raconter les histoires. Ensuite, comme je tenais à ce que ce soit un vieil homme qui raconte cette histoire avec sa voix d’enfant, j’ai trouvé plus intéressant de le raconter sous forme de conte. Un conte destiné aux enfants qui sommeille en nous en tant qu’adultes, d’où aussi le choix de cette écriture et de ce ton très enfantins.
S’agissant de peinture, vos choix graphiques sont fortement influencés par notamment les toiles de Francis Bacon, Felix Vallotton et Francisco de Goya. Quelle en est la raison ?
Elene Usdin : Chez les Nabis, que ce soit Bonnard, Vuillard ou Vallotton, ce qui m’émeut profondément dans leur peinture, c’est ce rapport à la couleur qu’ils ont. Ils utilisent vraiment la couleur pour définir la lumière, les formes… Dans leur peinture, on se retrouve souvent avec des motifs ou des couleurs dans lesquels se perdent les personnages. Ça m’émeut beaucoup comme l’impressionnisme parce qu’ils nous invitent à repenser nos représentations du monde. Avec nos yeux, nous, on regarde des formes définies, arrêtées alors qu’il y en existe d’autres. Très jeune, j’allais au musée avec un carnet et des crayons pour tenter de dessiner comme les peintres que j’aimais. Je me collais moi-même aux tableaux dans les musées pour voir comment ils étaient peints. Je pense que ce sont des références que j’ai emmagasinées depuis l’âge de j’ai six ans et qui ressortent dans mon travail sans que je ne me rende toujours compte. Ce sont les lecteurs, qui attirent la plupart du temps mon attention sur tel dessin ou telle image et aux peintures auxquelles ils font référence. En revanche, les références à Saturne dévorant un de ses fils de Goya et aux gueules cassées de Bacon sont tout à fait délibérées. Ce sont même des hommages.
À l’exemple de certains peintres que vous citez, l’une des caractéristiques de votre livre se situe dans le refus de la couleur réaliste. Pourquoi ?
Elene Usdin : Je suis arrivée à la bande dessinée tardivement et de façon nocive. Jusqu’à présent, je n’avais fait que de l’illustration pour les livres jeunesse et de la peinture. La narration est tout à fait différente. Ensuite, je voulais vraiment prioriser la peinture et la couleur par rapport au dessin parce que la plupart du temps, les personnages se transforment dans le livre. Ils ne sont jamais complètement calibrés, mais toujours en train de se transformer. J’ai aussi trouvé intéressant d’utiliser la peinture pour le côté gestuel, brut, rapide. Je ne voulais pas passer autant de temps sur les planches, je tenais à ce que ça reste très enlevé, très gestuel avec parfois des aberrations de formes. C’est ce qui a aussi justifié le choix de couleurs spécifiques à chaque personnage afin qu’on puisse les identifier par leur apparence colorée et non à travers une forme parfaite. Comme je le disais, ces couleurs sont aussi symboliques et sensorielles. Il y a des scènes où elles vont être bleues pour créer une émotion, et d’autres où elles seront fluos, hystériques comme dans la scène où la grand-mère se fait assassiner. La couleur m’a aussi permis de passer d’un univers onirique à un univers réaliste. Pour les scènes qui se déroulent dans la ville au présent, j’ai utilisé le noir et le blanc pour accentuer le côté tragique, triste et froid de cet environnement qui change.
Justement, votre livre raconte aussi les effets de la périurbanisation.
Elene Usdin : Il y a cela oui et c’est raconté par le biais de l’ogre mangeur de lumières. Ce personnage sous-entend que les villes grignotent, voire mangent la nature. À travers cette créature, j’ai voulu montrer qu’à force de construire des villes au détriment de la forêt et de la nature, on perd aussi ce rapport qu’on entretient avec la nature en tant qu’humains. Il n’y aura bientôt plus de refuges sur terre. C’est assez anxiogène quand on y pense d’ailleurs. C’est un vrai enjeu. Cette extension des villes au détriment de la nature va entraîner une réaction de plus en plus hostile de celle-ci. C’est ce que pensent d’ailleurs les tribus amérindiennes, notamment du Canada. Il y avait chez eux un respect de l’environnement avec l’idée qu’elle appartient à la fois aux humains, aux animaux et aux plantes. Nous avons perdu ce genre de rapport avec la nature dans nos sociétés.
Est-ce pour cela qu’il y a un bestiaire impressionnant ?
Elene Usdin : Ce n’est pas vraiment un bestiaire, ce sont des chimères, des humains qui prennent l’apparence d’animaux. L’idée, c’était de parler de la condition humaine qui est toujours entre civilisation et sauvagerie. On nous a tous éduqués avec des règles et des normes pour être ceci ou cela dans la société. Pourtant, au fond de nous, on a tous une part de sauvagerie qu’on ne cesse de contrôler. Isbad, la femme oiseau qu’il y a dans le texte est à l’image de cette ambivalence. Elle vient à moitié de la civilisation : elle a une mère humaine et un père non humain. En grandissant, elle est tout le temps contrariée entre le fait d’être humaine et sauvage puisqu’elle dévore les mâles avec lesquels elle a eu des actes d’amour. Finalement, la seule issue qu’elle trouve, c’est de se retirer dans un monde où elle ne voit pas d’hommes pour contrer sa sauvagerie.
Votre ouvrage est incorrectement désigné comme étant une bande dessinée alors qu’il s’agit de « bandes peintes », un terme popularisé par Thierry Groensteen, historien et théoricien de la bande dessinée.
Elene Usdin : Effectivement, ce n’est pas un livre dessiné, mais peint. Mon dessin, je l’ai fait en amont pour construire le story-board et les cases pour savoir précisément où j’allais. Une fois que j’ai réalisés les planches définitives, j’ai travaillé directement avec la couleur. C’est intéressant de parler de bandes peintes.
Les bandes dessinées ou peintes sont-elles de la littérature ?
Elene Usdin : C’est de la littérature au même titre que la poésie et le roman, c’est simplement la forme qui diffère. Le fait d’ajouter du dessin ne la rend pas moins littéraire pour autant. Pour moi, il est évident que c’est de la littérature. Elle en a les codes et on peut l’inscrire dans différents courants littéraires.
« René.e aux bois dormants », pourquoi avez-vous choisi de titrer le livre ainsi ?
Elene Usdin : Il y a plusieurs explications au titre. La première est qu’elle rappelle La belle aux bois dormants et me permettait de suggérer aux lecteurs qu’il s’agit d’un conte. La deuxième explication est qu’à travers l’histoire du petit garçon qui tombe, s’évanouit dans les bois pour nous inviter dans ses rêves et ses cauchemars, je voulais un titre qui évoque cet état d’endormissement. Ensuite, j’ai trouvé intéressant de parler « des bois dormants » parce qu’on est dans la forêt. Le rapport des premières nations à la forêt est très important. En ce qui concerne le prénom, je l’ai choisi assez tardivement. Le but, c’était d’avoir un prénom non genré qui montre la renaissance du personnage à chaque endormissement. Le point médium, présent uniquement dans le titre, a été ajouté à la fin pour éveiller la curiosité du lecteur et mettre en évidence les métamorphoses et transformations présentes dans le livre. Mon éditeur avait un peu peur de l’utilisation du point médian, mais finalement tout s’est bien passé. Le livre a été bien accueilli auprès du public et des médias. Il n’y a que quelques libraires qui ont refusé de le prendre parce qu’ils ont cru qu’il s’agissait d’une promotion de l’écriture inclusive.
D’autres projets en cours ?
Elene Usdin : Je travaille actuellement sur une bande dessinée qui paraîtra en 2024 chez Sarbacane. L’idée de départ était simple, mais à force de travailler dessus, il y a beaucoup de thèmes qui se sont ajoutés au projet. L’histoire du livre se déroulera à Detroit aux États-Unis, une ville qui essaie aujourd’hui de renaître de ses cendres. C’est un lieu symbolique auquel on pourra raccrocher de nombreux sujets comme l’immigration et la fuite des esclaves du Sud vers le Nord qui se terminait à Detroit.
On suivra dans le livre, la trajectoire de deux adolescentes qui fuient Détroit ensemble alors qu’elles ont peu de choses en commun : l’une est afro-américaine, l’autre est issue d’une famille blanche très conservatrice. Elles s’en vont aussi dans l’idée de rendre hommage à leurs mères respectives. À l’inverse de ses ancêtres qui ont connu l’esclavage, la première héroïne du livre va descendre à Géorgie, la deuxième dont la mère est une immigrée italienne va aussi se rendre à Rome en Géorgie. La narration sera racontée à la fois classiquement et dans les carnets dessinés de l’une des héroïnes, qui retrace le road trip qu’elles sont en train de réaliser dans la bande dessinée. On verra donc les planches dessinées par l’une des héroïnes du livre. L’idée, c’est de profiter de toutes les possibilités offertes par la bande dessinée, en utilisant différents types de narration pour faire avancer le récit. C’est un livre que je vais réaliser avec Bonie, mon fils qui habite à Montréal.
Puisqu’une partie des scènes aura lieu à Rome, je compte m’installer là-bas pour m’imprégner de cet univers. Je ferai un road trip de Rome à Detroit, qui me permettrait de m’inspirer des vrais hôtels, des vraies routes pour dessiner le livre. La ville de Rome en Italie sera aussi un personnage emblématique de l’histoire. La mère de ma deuxième héroïne est une jeune actrice qui va échouer à Detroit. Il y aura donc l’évocation du déracinement vécu par cette dernière, en plus des heures glorieuses du cinéma à travers la Cinecitta.
D’où vous vient ce besoin d’écrire et de dessiner sur la route ?
Elene Usdin : Tous mes sens sont en éveil quand je suis loin de mon quotidien, de l’environnement que je connais. Le fait d’habiter ou de rester trop longtemps dans un même lieu freine un peu mon inspiration. C’est un peu ce que je vivais à Bruxelles, la ville où j’ai habité durant trois ans et demi et que j’ai quitté à la fin du mois de juin 2022. Le fait d’être en voyage, de rencontrer des gens sur ma route met vraiment tous mes sens en signaux d’alerte. C’est une bonne étape pour écrire et dessiner, même si un retour à l’atelier s’impose pour finaliser le tout.
Et cet attrait pour le cinéma ?
Elene Usdin : Mon fils et moi, sommes passionnés par le cinéma et nous avons envie de nous en inspirer pour construire l’histoire des deux jeunes femmes. Le cinéma éveille nos sens, nous envoûte. C’est un art qui suscite de l’émotion. C’est vraiment comme de la magie. C’est le cas notamment du film en noir et blanc, qui nous déconnecte davantage de la réalité. On est dans un univers qu’on adopte, qu’on accepte, ce qui fait qu’on est encore dans une bulle. C’est aussi pour cela que nous voulons évoquer différents temps de l’histoire du cinéma, en faisant référence à des films comme Sunset Boulevard, le film de Billy Wilder dans lequel Gloria Swanson joue le personnage de Normand Desmond.
Pourquoi inclure votre fils dans ce projet alors que vous êtes à la fois scénariste, dessinatrice et peintre ?
Elene Usdin : En dehors du fait que mon fils a vécu et étudié aux États-Unis, l’idée, c’est de travailler avec nos points de vue respectifs. C’est comme une sorte de transmission et de collaboration intergénérationnelles.
Quels sont vos films et cinéastes préférés ?
Elene Usdin : Il y en a beaucoup : il y a les films de Fellini, de David Lynch, de David Cronenberg et de Stanley Kubrick, qui est un réalisateur exceptionnel dont chaque film a un univers spécifique.
Et vos livres et auteurs préférés ?
Elene Usdin : J’aime beaucoup les films, la poésie et les romans de Jodorowsky dont j’ai malheureusement peu lu les bandes dessinées. J’adore toute la bande dessinée américaine, que ce soit Robert Crumb ou Charles Burns. Ce sont des auteurs dont j’aime à la fois les dessins et les histoires. Chez les Japonais, il y a Jirō Taniguchi. Je trouve très forte la narration de ses textes : ce va et vient entre le passé et le présent et la manière dont il parvient à mettre une touche nostalgique dans chaque récit. En France, il y a David B. que j’apprécie énormément pour ses dessins et sa façon de nous faire tanguer entre le rêve et la réalité. C’est vraiment une grande claque tant au niveau de la narration que du dessin. Dans ma jeunesse, j’ai beaucoup lu Fred, le créateur de la série Philémon. La Canadienne Julie Doucet est aussi une autrice que j’aime bien. Ce qui me plaît chez elle, c’est le côté foutraque et sans filtre de son dessin lorsqu’elle raconte ses histoires. Récemment, j’ai lu Le poids des héros de David Sala que j’ai trouvé très beau. Enfin, j’ai été très influencée par certaines bandes dessinées qu’ils y avaient chez mes parents, dont Charlie Mensuel. J’étais fasciné par son côté subversif sans vraiment le comprendre.
Sur quel support travaillez-vous ?
Elene Usdin : C’est du papier pour aquarelle en grammage. Il est très lisse, presque satiné pour qu’on ne puisse pas voir le grain de papier. Ensuite, j’applique les fonds à la gouache pour rendre le papier encore plus poreux, encore plus mât avant de peindre à l’aquarelle.
Comment construisez-vous vos perspectives ?
Elene Usdin : La perspective pose la question du lieu où je place ma « caméra », mon point de vue. Avant la construction de la perspective, je m’interroge toujours sur son utilité dans une case ou une page : doit-elle être objective ou suggestive ? En plongée ou en contre-plongée ? Doit-elle être construite uniquement à des fins stylistiques ou pour donner une impression, susciter une émotion ? Je les construis toujours avec cette réflexion.
Qu’est-ce qui détermine le choix du lettrage dans vos ouvrages ? Quid de la rareté des dialogues ?
Elene Usdin : Pour ce livre, je tenais à privilégier le dessin par rapport au texte, en tout cas dans la première partie. Ça renforce également le fait que ce soit un conte avec énormément de rêves. De plus dans le rêve, il est tout à fait logique de passer d’un lieu à un autre sans trop d’explications. En revanche, dans la seconde partie, on se retrouve dans le présent, un univers très réaliste en noir et blanc. C’était le moment des explications, notamment quand on approche la mort de René. Il fallait vraiment que je fasse dialoguer les personnages avant de conclure le livre.
Comment qualifierez-vous votre travail ?
Elene Usdin : Ça s’inscrit dans la continuité de mes travaux autour de la transformation, de la métamorphose, de ce qui nous est donné à voir et de ce qu’il y a derrière. Que ce soit dans ce livre ou dans mes photographies, il y a un véritable rapport avec l’inconscient et le rêve. Au festival BD à Bastia, ils ont mis ensemble mes photographies et le livre. Je n’avais jamais constaté à quel point il y avait des ponts picturalement entre eux. Pourtant, il y a beaucoup de matelas et de gens endormis qui étaient représentés. Je trouve que mon travail pourrait s’inscrire dans la symbolique et dans le mouvement panique. Comme Jodorowsky, j’aime parler du réel avec des codes et des symboles qui tendent vers d’autres choses qui peuvent enrichir notre interprétation.
En ce qui concerne plus précisément ce livre, je dirais que c’est un conte écologique. C’était ce que je voulais faire dès le début des années 2000. C’est à la fois une réflexion sur les dérives capitalistes qui nous éloigne de la nature et un hommage aux contes de Miyazaki. Le Japon est un pays très animiste où les humains cohabitent avec les esprits de la nature et tout le monde s’en accommode très bien. On retrouve ces sujets, ces questionnements dans l’œuvre de Miyazaki, qui m’intéresse beaucoup.